Témoignage de Madame Feroudja RAHOUI
Sommaire
1. Présentation de Madame Feroudja RAHOUI
2. Capsule d'entretien n° 1 : Histoire d'un engagement
3. Capsule d'entretien n° 2 : Après l'indépendance
4. Capsule d'entretien n° 3 : Une révolte intérieure
5. Son témoignage intégral en deux parties
6. Fiche descriptive de l'entretien
1. Présentation de Madame Feroudja RAHOUI
Ferroudja Rahoui est née en Kabylie en 1952 et y a vécu jusqu’en 1963. De 63 à 73, elle a habité avec sa famille le hameau de forestage de Roybon. En 1972, elle est entrée à la faculté de lettres avant d’intégrer Sciences Po à Grenoble. Elle a fait carrière dans la fonction publique.
J’ai recueilli le témoignage de Ferroudja chez elle à Compiègne en mars 2024. L’entretien a duré près de 4 heures. Ferroudja a une mémoire précise de son enfance en Algérie et de la façon dont la guerre a bouleversé la famille. =
Elle témoigne aussi de l’injustice qu’elle a ressentie très tôt en France et de sa révolte intérieure, qu’elle a transformée en une force pour aller de l’avant et poursuivre ses études avec excellence.
Pour découvrir son récit,dans un premier temps, écoutez les 3 extraits significatifs ci-après :
2. Histoire d'un engagement
3. Après l'indépendance
4. Une révolte intérieure
Dans un second temps, retrouvez ces différents extraits dans :
5. son témoignage intégral, ci-après...
Il a été scindé en deux parties afin de ne pas le dénaturer par des coupes réductrices.
6. Grille descriptive de l'entretien de Feroudja RAHOUI
Projet de référence Collecte de témoignages de femmes, filles ou épouses de harkis
1 Nom du/des témoins ou situation d'enregistrement Ferroudja Rahoui
Date 01/03/2024
Lieu Compiègne
Nom du collecteur Caroline Fontana
2) L’enregistrement
Support :
support audio oui
support audiovisuel non
Format (wave, dvcam…) wav
Qualité bonne
Matériel utilisé :
Enregistreur Tascam
Durée de l’enregistrement 3 heures 50
3) Le document produit
Nom des documents Ferroudja Rahoui Entretien Partie 1 et Ferroudja Rahoui Entretien Partie 2
Format du document MP3
Durée des documents 1 heure 45 (Partie 1) et 1 heure 40
4) Le contenu documentaire
Données biographiques et contextuelles
Ferroudja est née en Kabylie en 1952 et y a vécu jusqu’en 1963. Elle est la 3e dans la fratrie. Elle est allée à l’école et a pu passer son certificat d’études en Algérie. Son père a été emprisonné de juillet 62 à juillet 63 et la famille est venue en France à sa libération. De 63 à 73, ils ont habité le hameau de forestage de Roybon puis un HLM, à Roybon.
En 1972 Ferroudja est rentrée en faculté de lettres avant d’intégrer Sciences po à Grenoble. Elle est ensuite entrée dans la fonction publique. Elle a 4 enfants. Son dernier fils est né en 1988.
Introduction à l’enquête
C’est Daouia, la petite soeur de Ferroudja, qui m’a parlé d’elle la première fois, puis Colette Petrod-Zerouki nous a mises en relation. J’ai rencontré Ferroudja chez elle à Compiègne. L’entretien a duré près de 4 heures, quasi sans interruption. Ferroudja a une mémoire précise de son enfance en Algérie et de la façon dont la guerre a bouleversé la famille. Elle témoigne aussi de l’injustice qu’elle a ressentie très tôt en France et de sa révolte intérieure , qu’elle a transformée en une force pour aller de l’avant et poursuivre ses études avec excellence.
Description thématique
PARTIE 1
00:00 Présentation / Souvenirs de guerre /Les origines de l’engagement des hommes de la famille
Récit de l’arrestation brutale de son cousin en 1956 par l’armée française dans la ferme familiale, scène à laquelle elle a assisté, elle avait alors 4 ans. 4:35 Sur son père, menacé à son tour par le FLN suite à la libération de son cousin. La famille se réfugie dans le village chez la grand-mère où il y a une caserne. En 1957, une Harka est constituée dans le village.
7:30 En 1957 un attentat qui vise un frère de sa mère qui est abattu dans son magasin. Tous les hommes de la famille se mettent alors sous la protection de la France, et un des fils de cet oncle se porte volontaire pour diriger une Harka.
10:25 Les lieux de l’enfance
Souvenirs d’enfance du temps heureux passé avec sa grand-mère.
11:45 Les parcelles familiales / Les cultures /
15:20 Les tâches traditionnelles des femmes
L’organisation de l’habitat
16:40 Histoire de la famille paternelle
18:40 La famille maternelle
19:30 La maison familiale
21:35 La vie dans la maison de la grand-mère après 56 / l’éducation des jeunes filles dans le sillage des grands-mères et des mères/les jeux de l’enfance
25:30 Souvenirs de guerre / Les appelés de la caserne - les premières images de la France
27:30 Récit de son père a posteriori, lui raconte que les harkis étaient désarmés la nuit « J’ai l’impression que cette confiance, elle n’a jamais été donnée » 28:30 Scène de torture à laquelle elle assiste enfant./ Le corps de l’homme qu’elle retrouve dans un champ de coquelicots.
32:40 Emprisonnement et libération du père en 1963
En 1963, le choix de regagner la France. Le camps de Zeralda. La famille rejoint le père.
39:20 Le départ / la terreur sur la route
Le camp de Zeralda
41:20 Les paniers de figue
42:20 Camp de Zeralda /Premier repas français / les femmes cardent la laine/ le premier film projeté : l’arrivée du train en gare de la Ciotat. Panique des enfants.
Environ 3 semaines dans ce camp.
46:00 La traversée
Arrivée à Rivesaltes le 23 août.
Bateau à Alger. Récit de sa soeur qui monte sur la passerelle du bateau avec ses chaussures à talons./ Le voyage dans la cale.
48:30 Retour sur ses années à l’école à partir de 59
Ecole installée par la France « Mon père ne pouvait pas refuser »
En juin 1962 certificat d’études. Elle saute deux classes.
51:40 Souvenirs de son maître originaire de Haute-Savoie/ la randonnée / Souvenirs chaleureux.
53:20 Elle part à Tizi Ouzo passer le certificat d’études quelques semaines avant l’indépendance.
54:53 Arrestation des hommes de la famille et lieux de détention
Le défilé obligatoire après l’indépendance.
Les plus jeunes hommes sont arrêtés le 5 juillet.
55:40 Récit de l’arrestation du père le 24 juillet.
58:47 Questions aux populations civiles/caillassages
Détention dans le fort de Makouda
Détention au camp du maréchal entre Alger et Tizi Ouzo. Terreur.
Pas de nouvelles ni visites pendant 6 mois.
61 : Récit du Moudjahidine qui avait un fils harki et recherchait son fils dans les camps. Cet homme a alerté la croix rouge internationale qui est intervenue. Ensuite les hommes partent à la prison de droit commun, prison d’El Harrach près d’Alger, où ils ont un droit de visite.
62:00 Libération du père en 63 alors que les plus jeunes de la famille sont déplacés dans d’autres prisons.
64:20 Sur les harkis qui sont restés en Algérie.
XXXXXXXXXX(coupe de Ferroudja)
65:50 Coupure avec l’Algérie
Comment elle a coupé peu à peu. « j’ai regardé devant. Devant, devant, devant. Il fallait que je me construise. J’ai mis une dalle de béton sur l’Algérie » Silence du père.
Seule sa mère est restée reliée à l’Algérie « Elle n’a jamais vécu en France. Elle n’a jamais été là ». Reproches à son mari et ses enfants pour avoir coupé avec sa famille./ Digression sur l’organisation familiale pour sa mère malade.
70:22 Départ de la famille du hameau pour un logement social
En 1973 ils partent dans un F4. Une de ses cousines l’habite aujourd’hui.
Les liens qui perdurent avec les familles du hameau.
74:27 La dernière famille qui a vécu au hameau
76:00 Fin des chantiers ONF en 1970/71. Son père travaille pendant un temps dans une usine de fabrication d’engrais chimiques puis dans l’industrie sidérurgique.
78:08 Retour sur la vie au Hameau
Arrivée en 63, les harkis de 62 les aident à s’installer.
Chaque bâtiment comporte 4 habitats de 3 pièces. Description.
Mme Bertrand habite un bâtiment à elle seule.
80:40 Retour sur la traversée en bateau et l’arrivée en France
Angoisse existentielle / perte de repères
83 Arrivée à Marseille
84:50 premier repas français/
Départ pour Perpignan/Rivesaltes / Elle voit des figuiers, ce qui la rassure.
Demande de nationalité française perdue./93. A la majorité elle doit à nouveau se prononcer.
90:00 Rivesaltes / 4 mois sans sortir du camp.
91 Le traumatisme/ peur des militaires et de l’uniforme jusqu’à aujourd’hui.
93:26 le traitement dans le camp à Roybon /8 kilomètres par jour pour aller à l’école. Le bus ne s’arrêtait pas.
95 Récit d’un larcin. Jeunes garçons qui volent une poule. / « Vous n’êtes pas chez vous ici. Il faut apprendre à tenir vos enfants » Menaces aux pères de les remettre « dans le bateau ». Les garçons reçoivent des coups de cravache sur la place publique. Révolte intérieure. Excellence à l’école en réaction. XXX
98:07 L’encadrement des Bertrand. Fermeture /tout le monde ne peut pas accéder.
100 Récit du passage à tabac de son père dans un café du village et traitement des gendarmes.
En rentrant je me suis dit que « plus jamais je ne laisserai quelqu’un me parler comme ça, plus jamais on ne parlera comme ça à un membre de ma famille ».
PARTIE 2
Investissement dans la scolarité
01:09 Récit d’une punition injuste à l’école et comment Farroudja se défend contre le racisme et l’injustice.
08:24 Inscription de Farroudja en BPE par la directrice malgré ses notes excellentes. Lutte pour accéder à l’enseignement général. Soutien des profs du BPE pour qu’elle rejoigne une première générale. Elle obtient le bac avec mention.
12:50 Ferroudja s’oppose à un mariage arrangé.
Intègre l’IEP de Grenoble.
Elle donne l’exemple à d’autres filles à sa suite qui font des études.
15:34 Elle fait l’écrivain public dans le camp.
16:19 Premier retour à Roybon alors qu’elle est interne.
17:20 Emancipation des filles
Choix du mariage pour Ferroudja et les enfants qui suivent. / Souvenirs de la préparation traditionnelle des jeunes filles en Algérie. « Finalement pour moi, ça a été une bénédiction. En Algérie je ne sais pas ce qui serait advenu de moi »
21:10 La main-mise de ses cousins sur elle, enfant.
22:18 Etudes et carrière professionnelle
Liberté pendant ses années de fac
23:19 Relations avec les autres algériens et comment elle se débrouille avec son identité harki.
3 algériens bacheliers. A la fac rencontre avec d’autres maghrébins. Rencontre avec des étudiants algériens venus pour étudier, et quelques filles issues de l’immigration.
XXXXXXXXXX(coupe de Ferroudja)
32:14 Question du retour en Algérie
Ferroudja n’a « jamais remis les pieds en Algérie ».
Le mari de Ferroudja est aussi Kabyle. Elle s’est mariée en 74.
En 2007 son dernier fils, Julien, y part avec son père.
39:48 Après Science po, parcours dans la fonction publique
Science po après la fac de lettres jusqu’en 3 année en « service public » puis obtient le concours de la fonction publique alors qu’elle attend son premier enfant.
Concours. Chef du bureau des relations aux collectivités locales; contrôle budgétaire après la décentralisation.
Ses enfants, le choix des prénoms, questions identitaires
Son dernier fils est né en 88.
44:50 Sur les parcours de ses enfants.
46:19 Le choix des prénoms des enfants. Le dernier a un prénom français. Pour les premiers, elle choisit des prénoms algériens en réaction contre ce qu’ils ont vécu dans les camps.
Pas de pratique religieuse . Liberté laissée par ses parents. Elle donnera la même liberté à ses enfants.
Pas de pratique du Kabyle à la maison avec son mari. Ses enfants ne le parlent pas.
55:50 Sur la poésie Kabyle
La défense de la langue Kabyle. L’arabe perçu par les kabyles comme la langue du dominateur.
Comment Ferroudja apprend l’arabe en France chez une amie arabophone, alors que son père a toujours refusé.
63:10 L’attachement de la famille à Roybon/Les liens
Relation de travail avec L’ONF/ puis à l’usine.
Fermeture du chantier ONF en 70. Départ de certaines familles. XXXXXXX (coupe de Ferroudja)
68 La famille de Ferroudja choisit de rester à Roybon. « Après, les Roybonais, les ont adoptés »
Récit d’une bagarre en 83 avec un jeune des HLM, issu de l’immigration (il drague la mariée et est lynché en retour). Harkis contre population locale. Malaise. Le maire de l’époque tient des propos terribles aux enfants de Harkis « Vous, on ne vous doit rien, si vous n’êtes pas contents, rentrez chez vous! »
73 Liens avec la langue française et les français avant la guerre/le temps de la colonisation
Pas de contact avec les français ni même avec des arabes dans sa petite enfance
Restriction de circulation pendant la colonisation/laisser-passer. « Il fallait avoir des autorisations de passer dans leur propre pays ». Surveillance étroite des Kabyles.
Etat civil pendant la colonisation.
L’enracinement
78:40 « Ce qui ressort de tout ça c’est le besoin d’un port d’attache, nous les Roybonais, on revient toujours à Roybon.(..) C’est devenu notre port d’attache ».
Les harkis sont enterrés à Roybon depuis leur arrivée, organisation par le préfet d’un carré musulman.
Refus du père d’acheter de la terre en France . « Quand j’ai tourné le dos à ma terre, je me suis fait le serment que jamais je n’achèterai un bout de terre dans un autre pays »
84:44 La vie dans le HLM
Le règlement des loyers/des commerçants du village. Les anciens payaient « rubis sur l’ongle » / Plus de problèmes financiers pour la seconde génération, à la fermeture des usines.
90:24 Les petits boulots des jeunes à la ferme. Souvenirs d’enfance.
L’évolution de son père vis-à-vis de l’éducation des filles.
96: 20 Le père de Ferroudja lui confie à la fin de sa vie « je n’ai jamais passé une nuit en France ». Ses nuits étaient habitées par l’Algérie. 97:20 Attachement à l’enfance dans le hameau, dans la nature. « Moi, pendant très longtemps tous les rêves de Roybon se passaient au camp. Notre petit trois pièces du camp. Je n’ai rêvé des HLM qu’à la fin ». Elle envisage d’acquérir les préfabriqués du camp mais ils ne leur ont pas été proposés. « C’était notre terre d’attache ».
Projet imminent de retour à Roybon en famille pour des vacances.
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