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Un émouvant témoignage sur les Harkis et leurs enfants par une ancienne assistante sociale

Lettre d'une ancienne assistante sociale de l'hôpital Sainte-Marthe d'Avignon

  • un émouvant témoignage sur les Harkis et leurs enfants

« Monsieur,

C'est avec beaucoup d'émotions et de satisfaction que je vous ai téléphoné vendredi après midi.

J'étais assistante sociale dans le service de Pédiatrie de l'hôpital Sainte-Marthe d'Avignon, qui a été reconstruit près de la Durance, et bien sûr très moderne, inauguré en 1982.

En effet, nous avons reçu de très nombreux enfants de Harkis dans de déplorables conditions de santé, atteints le plus souvent de Tuberculose déclarés nécessitant leur envoi au Sanatorium « La Prairie » à Cambo-les-Bains (Pyrénées Atlantiques) chez Monsieur le Docteur Jacques Colbert qui recevait ces pauvres enfants avec beaucoup de chaleur humaine, et sans être payé, cela lui importait peu, pour lui seule comptait la santé des enfants. Il a fait très froid cet hiver 1962, et ces enfants se chauffaient sous des tentes auprès de brasiers devant lesquels ils se bousculaient pour se chauffer.

Résultat : ils se brûlaient grièvement, les malheureux, et ils étaient admis dans le service de chirurgie Infantile chez le Docteur Giraud qui mettait tout en œuvre pour les guérir et que l'on dirigeait ensuite, si leur état de santé l'exigeait au Centre de Rééducation motrice de Saint-Gervais les Bains en Savoie.

A l'heure actuelle (50 ans plus tard et plus) les pédiatres sont décédés, et le personnel soignant à la retraite, tout comme moi à la retraite depuis le 31. 12. 1992.

J'ai actuellement 84 ans, et je garde un souvenir très douloureux de cette époque de ma vie professionnelle.

Je peux vous assurer que je ferai tout mon possible pour vous aider, l'État français vous a lâchement laissé tomber ne se préoccupant nullement de votre sort, cependant hautement digne.

En tant que française j'ai honte de mon pays devant son attitude, la France n'a nullement tenu compte de votre précieuse fidélité.

Je suis prête à vous aider selon mes faibles moyens, hélas, mais de tout mon cœur afin de réparer tout le mal que la France vous a fait Il faut que vous arriviez à percevoir vos retraites, indemnités et autres auxquelles vous n'avez jamais cessé d'avoir droit.

La France vous a trahis et cela me fait très mal, et j'en ai sincèrement honte.

Je vous prie de bien vouloir croire, Monsieur, à l'expression de mes sincères salutations. »

(Texte produit par Chérif Lounès à partir de la lettre manuscrite initiale d'une ancienne assistante sociale)